Pêche à la mouche-sur la San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)
La Garantie des Cannes à Mouche
LOOP et AIRFLO en particulier

Bonjour,

Je recherche une canne réservoir et je pense à la AIRFLO super Stik II, peut-être en 10’ soie 7. Je veux m’équiper également en moulinet et soies pour aller avec la canne. Je débute en réservoir.

Je ne trouve pas d’infos sur la garantie pour la canne, seulement le prix du changement de brin.

Pouvez-vous donner une indication sur la garantie ou alors consiste-t-elle seulement à la possibilité de racheter un brin ?

Merci pour votre site très bien fait et plein d’infos sur les produits que vous commercialisez. Ça change de ce qu’on voit habituellement.

Cordialement,

Eric P.


La garantie des cannes à mouche est décisive pour beaucoup de pêcheurs. Il est évidemment désagréable de mettre une certaine somme d’argent dans une canne, et qu’elle casse. Malheureusement, ça arrive. Cette question de la garantie a pris beaucoup d’importance depuis qu’à la fin des années 90, des fabricants se sont mis à « offrir » une « garantie à vie » pour leurs cannes. Leurs cannes seraient-elles devenues incassables ? En fait, non, elles sont simplement assurées contre les risques de casse.

Défaut de fabrication

Je n’ai cassé que deux cannes à mouche depuis mes débuts à la mouche en 1978.

La première a cassé à la 3ème sortie, au bout d’environ 5 heures de pêche et après avoir pris 2 truites de mer d’environ 3 kilos. Le défaut se situait en arrière de la ligature de l’anneau de tête du scion, probablement en raison d’un petit coup de cutter du monteur en coupant le fil de ligature.

La seconde était une canne à deux mains à saumon : elle a cassé lors de sa 1ère sortie, au bout d’1/2 heure de pêche, environ 5 cm au-dessus de la poignée en liège, sans doute en raison d’une faiblesse dans le blank de cette canne-là.

Bien que ces cannes n’étaient à l’époque pas garanties, les éléments défectueux ont été remplacés gratuitement. C’est en fait l’application de la garantie légale des vices cachés, un défaut de fabrication non apparent mais bien présent lors de l’achat.

Cette garantie des vices cachés couvre à peu près tout ce que l’on achète. En effet, quand une canne casse très vite après son achat, on peut imaginer un défaut de fabrication. Quand elle casse après plusieurs parties de pêche, il est difficile d’incriminer la fabrication de la canne, car une canne qui a un défaut, casse très vite, souvent dès les premiers lancers, en tout cas dans les premières heures de pêche. Par la suite, une canne peut casser par accident, négligence ou volonté.

Accident

L’accident le plus classique, c’est le coffre ou une portière de voiture refermée sur une canne qui dépasse. Mais c’est aussi le fait de marcher sur une canne qu’on a posée par terre pour changer de mouche, de bas de ligne ou pour décrocher un poisson.

Le vent qui fait tomber une canne peut aussi être à l’origine de la casse quand la canne heurte quelque chose dans sa chute, tout comme la mouche qui entre en collision avec la canne lors d’un lancer raté. La casse ne survient alors souvent pas tout de suite, mais des jours, semaines, voire des mois plus tard. L’impact a simplement créé un affaiblissement du blank, lequel va s’user plus vite à cet endroit et finir par casser, ce qui peut donner l’impression que la canne a cassé toute seule, suite à un défaut.

Négligence ou volonté

La négligence peut consister en de la méconnaissance. Par exemple, secouer une canne, simuler un lancer sans avoir la soie dehors, peut provoquer des dommages irréversibles. Mais la négligence la plus fréquente se situe au niveau des emmanchements de la canne.

Il est fréquent qu’une canne se déboîte toute seule quand on lance. C’est surtout vrai pour les cannes à deux mains quand on pêche en Spey Cast, ou ses variantes. Les mouvements de torsion peuvent aboutir à faire glisser les brins de la canne jusqu’à les déboîter. Le risque de casse est alors énorme.

Inversement, il arrive qu’en fin de partie de pêche, il soit difficile, voire impossible, de déboîter certains éléments : la canne est alors bloquée. Cela se produit souvent quand il y a eu un changement de température de l’air. Le risque est renforcé quand, pour s’assurer que la canne n’est pas en train de se déboîter toute seule, on essaie d’enfoncer davantage les brins. Pour démonter la canne, on est alors obligé de forcer, éventuellement avec l’aide d’un ami. Parfois ça marche, parfois ça casse.

A ce propos, faut-il il tirer bien droit comme certains l’affirment, ou tirer en essayant de dévisser ? Bien qu’il n’y ait pas de pas de vis, une canne se visse et se dévisse.

La meilleure façon d’éviter que la canne se déboîte ou se bloque toute seule, c’est de frotter de la paraffine ou de la bougie sur les éléments mâles avant d’assembler la canne.

Cette fine pellicule va maintenir les éléments en place et éviter que la canne se démanche en cours de lancer. Il faut bien sûr vérifier de temps en temps, mais les éléments bougent beaucoup moins et moins vite que s’ils sont sans protection.

En fin de partie de pêche, si la canne est bloquée, il suffit de mettre au creux de sa main l’emmanchement bloqué, pour que la bougie ramollisse. Il est alors possible de dévisser la canne.

Mon expérience est que la plupart des casses peuvent être évitées en paraffinant les extrémités mâles des brins avant d’assembler la canne. L’opération n’est pas à renouveler à chaque partie de pêche. Il faut regarder. S’il reste une pellicule de protection, c’est bon. Si l’emmanchement semble sec, il faut frotter de la bougie dessus.

C’est la raison pour laquelle je mets un petit morceau de bougie avec chaque canne que je vends. En principe, je frotte de la bougie sur chaque canne, et je l’assemble pour vérifier la canne avant de l’expédier. Depuis que je fais ça, le nombre de casses a été divisé par 10. Et nombre de casses qui surviennent après, proviennent du fait que les pêcheurs négligent de remettre de la bougie de temps en temps, quand ils n’ont pas soigneusement enlevé cette pellicule de protection, ayant entendu dire qu’elle ferait vieillir la canne plus vite… !

La négligence je l’ai constatée chez ce pêcheur qui laissait la soie sur sa canne, avec le moulinet donc. Après avoir déboîté sa canne, il l’a mise à plat dans le coffre de sa voiture, sans aucune protection. Puis, par-dessus, il a mis ses bottes, son sac de pêche, son gilet et son blouson de pêche. Et il a claqué le coffre. Je lui ai demandé s’il n’avait pas peur de casser sa canne. « Non, pourquoi ? Et puis je m’en fiche, elle est garantie à vie… ».

Une telle négligence est proche de la volonté de casser. Il n’est pas impossible que certains cassent leur canne pour en obtenir une neuve… en garantie.

Garantie… ou assurance ?

On comprend tout de suite que des cannes réparées ou remplacées en « garantie » dans de telles conditions, le sont en réalité en « assurance ». Autant dire que le prix de cette assurance est compris dans celui de la canne, laquelle serait donc moins chère si elle ne l’englobait pas.

Quand je considère le nombre de cannes que j’ai cassées depuis 1978, et les conditions dans lesquelles ces casses ont eu lieu, je me dis que je n’ai jamais eu besoin d’une garantie à vie et que la garantie légale des vices cachés suffisait. Et je me dis que si j’avais acheté mes cannes sur le critère de la garantie à vie, je serais peut-être passé à côté de cannes plus performantes et j’aurais finalement payé plus cher mes cannes pour subventionner la négligence des autres.

Je préférerais que le prix de la canne et celui de sa « garantie à vie » soient facturés séparément, ce qui me permettrait de ne pas acheter cette garantie, laquelle n’est en fait qu’une extension de garantie, puisque toute canne est déjà garantie contre les vices cachés, c’est-à-dire contre les défauts de fabrication. Et cela me permettrait de connaître le prix véritable de la canne. Ce n’est malheureusement pas une option.

Comment sont garanties les cannes LOOP et AIRFLO ?

La garantie se passe en deux temps. La première année qui suit son achat, si un élément de la canne casse, il est considéré comme ayant cassé en raison d’un défaut de fabrication : AIRFLO et LOOP le remplacent gratuitement sur présentation de la facture d’achat. Ensuite, toujours sur présentation de la facture d’achat, AIRFLO et LOOP le remplacent moyennant une somme forfaitaire tant que la canne est disponible et ses éléments de rechange aussi. Si ce n’est plus le cas, AIRFLO et LOOP proposent un « upgrade », c’est-à-dire une mise à jour de la canne cassée vers une nouvelle canne de la même gamme, moyennant un prix remisé.

Cette garantie n’est pas tellement différente de la garantie à vie de nombreuses marques, pour lesquelles il faut souvent payer un forfait pour les frais de port.

Une garantie à vie n’est-elle pas plus sécurisante ?

C’est une question dont j’ai longuement discuté avec les dirigeants de LOOP lorsque cette garantie est apparue aux USA. Fallait-il l’ignorer ou la copier purement et simplement ?

L’ignorer nous a semblé impossible. Savoir que la canne qu’on achète est garantie à vie, c’est rassurant. Même si, quand on y réfléchit bien, c’est absurde.

C’est absurde car tout a un début et une fin. Rien n’est éternel, pas même la Terre ou le Soleil. Entre le début et la fin, il y a un processus qui s’appelle le vieillissement.

Le vieillissement se produit quand on se sert du produit. Une canne plie à chaque lancer, à chaque fois qu’on capture un poisson, plus ou moins fort en fonction de sa combativité, de sa taille et de son poids. Avec le temps, même si on ne s’en rend pas compte parce que ça se fait petit à petit et qu’on s’y habitue, la canne perd de son nerf. Ce qui fait qu’au bout d’un certain temps, remplacer un élément cassé n’a pas vraiment de sens : c’est comme remplacer un amortisseur cassé ou un pneu éclaté sur une voiture. Les trois autres ayant vieilli, il faut changer les quatre car il se produirait autrement un déséquilibre qui nuirait au comportement de la voiture, donc à sa sécurité : c’est la raison pour laquelle c’est interdit… pour une voiture. Mais pas pour une canne à mouche.

Le vieillissement se produit aussi quand on ne s’en sert pas. On sait que le soleil avec ses rayons UV entraîne un vieillissement de nombre de matériaux. C’est d’ailleurs pourquoi les cannes en kevlar, dont certains avaient pensé qu’elles allaient faire disparaître celles en carbone, ont disparu : sous l’effet des UV, le kevlar finit par casser.

Une autre forme de vieillissement est l’obsolescence. Selon le dictionnaire Larousse, l’obsolescence, c’est la « dépréciation d’un matériel ou d’un équipement avant son usure matérielle ». Depuis que je pêche à la mouche, des progrès considérables ont eu lieu pour les cannes à mouche. Je possède encore la plupart de mes anciennes cannes. Je dois avouer que quand il m’arrive d’en ressortir une, je me demande comme j’ai pu pêcher avec. A l’époque, c’était pourtant le haut de gamme.

Ma première canne à mouche en carbone, une 9’ #5, m’a coûté 1.700 francs en 1979, ce qui, selon l’INSEE, correspondrait en 2019 à environ 828 €, compte tenu de l’inflation. Ma seconde canne à mouche en carbone en 1980, une 10’ #6, m’a coûté 2.200 francs, soit 944 € toujours selon l’INSEE. Pourtant, quand je les compare aux cannes d’aujourd’hui, les performances de ma 9’ #5 à 828 € sont pulvérisées par une LOOP Q à 194 €, et ma 10’ #6 à 944 € est nettement moins performante qu’une AIRFLO Super-Stik d’à peine 200 €.

Mes deux premières cannes n’étaient pas garanties à vie. Mais imaginons qu’elles l’aient été et que j’en casse un élément aujourd’hui : voudrais-je faire réparer ces cannes ? Si je m’étais enfermé dans l’idée de la « canne pour la vie », si je n’avais pas essayé les nouvelles cannes, peut-être et même sans doute, en oubliant le problème de l’élément neuf avec des éléments usés. Mais ayant pu comparer mes anciennes cannes aux nouvelles, et au regard des prix, certainement pas.

Et c’est peut-être encore plus vrai pour les cannes à deux mains, faites pour pêcher en Spey Cast.

En 2010, lors d’un séjour sur la Spey, un ami qui n’avait pas pêché avec une canne à deux mains depuis 1988, a ressorti sa canne de l’époque, une 16’ #10 d’une très grande marque américaine, qui coûtait alors une petite fortune. Et comme sa soie DT conservée dans le noir dans la housse de son moulinet, n’avait apparemment pas bougé, il a réutilisé l’ensemble. Pour ma part, j’utilisais une LOOP Opti Power Spey 15’ #10, avec une soie AIRFLO Multi-Tip. Après m’avoir aidé à sortir un saumon que j’avais pris en pêchant derrière lui, il m’a demandé s’il pouvait essayer ma canne. Bien sûr ! Après quelques lancers, il se retourne vers moi et me dit : « Mais c’est de la triche ! Tu nous épatais avec tes lancers, mais maintenant je comprends : ça va tout seul, c’est archi-facile, n’importe qui y arriverait avec un tel matériel ! ».

Il s’est entêté malgré tout avec son matériel, prétendant qu’il préférait pêcher à la dure. Mais en milieu de semaine, comme je lui avais proposé d’utiliser un autre équipement que j’avais emporté, il m’a demandé si l’offre tenait toujours et il a fini la semaine avec. Il faut dire que la canne LOOP avec la soie AIRFLO très peu élastique forment un ensemble très performant. Les soies aussi ont considérablement évolué.

Conclusion

En conclusion, et au regard de mon expérience d’une quarantaine d’années, ce n’est pas moi qui achèterais une canne à mouche sur le critère de sa garantie à vie.

En effet, une canne présentant un défaut, casse rapidement après son achat : cette casse bénéficie de la garantie légale des vices cachés.

Par la suite, une canne ne casse plus, sauf accident ou maltraitance.

Le remplacement de l’élément est possible moyennant une somme forfaitaire modique par rapport au prix de la canne neuve. Au bout de quelques années, la canne a vieilli et le progrès est tel que la réparer n’a plus de sens.

Il est évident que cette garantie à vie, ou plus exactement cette extension de garantie, a une incidence sur le prix de la canne. Le prix de la garantie se fait donc au détriment de la valeur réelle de la canne. Mais comme le prix de la garantie est incluse dans le prix de la canne, on en ignore le coût. Il serait préférable que l’extension de garantie soit proposée séparément.

En achetant une canne pour sa garantie à vie, si on est soigneux, on paie pour ceux qui ne le sont pas, pour ceux qui s’en fichent parce que c’est garanti : la garantie à vie déresponsabilise.

La garantie à vie est certes rassurante, mais ce n’est qu’une illusion qui, au final, coûte très cher, car en plus d’augmenter le prix de la canne, elle restreint le pêcheur dans le choix d'une canne à mouche et elle l'enferme dans une logique de conserver à tout prix une canne devenue obsolète avec le temps.

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Pêche à la mouche sur la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)

Pêche à la mouche sur la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)



Victor Dimino avec une truite de la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)

Victor Dimino avec une truite de la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)



Remise à l'eau d'une truite de la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)

Remise à l'eau d'une truite de la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)



Du monde pour pêcher à la mouche à Texas Hole sur la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)

Du monde pour pêcher à la mouche à Texas Hole sur la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Thierry Willems)



Capture d'un saumon sur la rivière Ponoi - Péninsule de Kola, Russie (Photo André Rivière)

Capture d'un saumon sur la rivière Ponoi - Péninsule de Kola, Russie (Photo André Rivière)



Thierry Willems avec un saumon de la rivière Ponoi - Péninsule de Kola, Russie (Photo André Rivière)

Thierry Willems avec un saumon de la rivière Ponoi - Péninsule de Kola, Russie (Photo André Rivière)



Thierry Willems amenant à l'épuisette une truite prise avec une canne LOOP de 11' #4, sur la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Victor Dimino)

Thierry Willems amenant à l'épuisette une truite prise avec une canne LOOP de 11' #4, sur la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Victor Dimino)



Thierry Willems avec une truite de la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Victor Dimino)

Thierry Willems avec une truite de la rivière San Juan - Nouveau-Mexique, USA (Photo Victor Dimino)